Prix cycle 5 à Kelly Rivière pour An Irish Story
2021, sixième concours « Les Jeunes lisent du théâtre » et pour la première fois il a été
ouvert au cycle 5. Le prix a été remis par les élèves de première de la classe d’Anne
Davoust au lycée Lavoisier de Mayenne.
Les éditions Koïnè, la maison d’édition sollicitée cette année, avaient proposé des textes
qui avaient beaucoup plu, mais certains semblaient trop difficiles pour les collégiens.
Aussi ont-ils été proposés aux classes de lycée. Cinq classes ont donc lu : Cœur sacré de
Christine Saez, Les Roses blanches de Sarah Pèpe et An Irish Story de Kelly Rivière.
C’est ce dernier qui a obtenu le plus de suffrages et a donc reçu le prix. Celui-ci a été
remis à l’autrice par une classe du lycée Lavoisier, le mercredi 26 mai.
Les élèves ont d’abord offert à Kelly Rivière, présente par écran interposé, une lecture au
pupitre de quelques passages de la pièce puis ont échangé avec elle et l’éditeur.
(Résumé des échanges)
« L’écriture a-t-elle été difficile ? L’écriture en elle-même n’a pas été particulièrement
difficile, c’est une histoire que je porte en moi depuis quinze ans. J’en ai écrit des
passages à l’ordinateur, puis je les ai expérimentés au plateau et je les ai ensuite
retravaillés. Mais c’est une histoire intime que je livre, je joue mon père, ma mère, ma
famille. Je ne l’ai pas dit à mes parents. Ce n’est pas facile de voir un secret de famille
exposé sur scène, de se voir imité par une comédienne. Mais le public a accroché. J’ai
joué au festival d’Avignon. Alors seulement, je l’ai annoncé à ma mère.
Quand est venue l’envie d’écrire ? C’est l’histoire de ma famille. Peter était le père de ma
mère. Depuis toute petite, j’entendais parler de cette histoire du grand-père disparu, qui
avait un beau jour quitté la famille. Vers l’âge de quinze ans, on me demandait pourquoi je
m’appelais Kelly. Alors je racontais mes origines irlandaises, la vie compliquée de ma
mère en orphelinat, son père disparu… J’ai remarqué que mon histoire suscitait l’intérêt.
Lorsque j’ai eu mon premier enfant, j’ai commencé des improvisations autour de cette
histoire, mais c’était difficile. Lors de la naissance de mon second enfant, la sage femme
qui a accompagné mon accouchement était irlandaise, elle s’appelait Molly Mac Bride !
Dans mon journal, j’ai noté alors que c’était un signe ! Et j’ai réussi à raconter et même à
faire rire. Je trouvais très triste que ce grand-père qui avait eu six enfants et de nombreux
petits enfants, qui avait généré de la vie, on ne pouvait pas en parler. Or le théâtre permet
de ressusciter les morts, de créer un monde où on pouvait parler de son grand-père. J’ai
interrogé ma grand-mère qui était encore vivante, j’ai enquêté en vrai, mais je ne l’ai pas
retrouvé. Depuis, la pièce tourne bien, des milliers de personnes entendent parler de ce
secret de famille. Le théâtre permet de crever les non-dits.
Pourquoi avoir choisi ces personnages ? Pour moi, cela semblait évident, c’est mon père,
ma mère, mon frère, moi, toute ma famille, puis il y a les personnages croisés au cours
l’enquête menée dans la vie réelle, mes tantes, ma grand-mère et quelques inventions, le
garde national par exemple.
J’ai fait des recherches évidemment, sur l’histoire de l’Irlande dans les années trente,
l’arrivée des Irlandais dans les années cinquante. J’ai rencontré des universitaires,
regardé beaucoup de photos sur le conflit irlandais, visionné des films de Ken Loach,
« Hunger » sur la grève de la faim de Boby Sands… Mais ces recherches ont été
« essorées » et ne constituent qu’une toile de fond. La pièce est centrée sur une histoire
familiale et dans la perspective d’un « seul en scène ». Elle raconte ma quête solitaire au
sein de la famille, tous les autres membres s’étaient désintéressés de cette histoire du
grand-père disparu. Mais bien évidemment je ne raconte pas tout.
Des passages ont suscité des crises de fou-rire chez les élèves, notamment l’épisode du
lapin Croquette ! En fait c’est l’histoire vraie qui est arrivée à ma cousine française, très
sensible et très attachée aux animaux. Son lapin a vraiment été écrasé et à 45 ans, elle ne
sait toujours pas la vérité ! Ça pose le problème du mensonge qu’on invente
malheureusement quand on n’ose pas dire la vérité aux enfants, comme la fin du grand-
père alcoolique, disparu, qui était difficile à raconter.
Ces scènes drôles ne sont pas volontaires, l’histoire est en effet grave, triste, sérieuse,
mais l’humour a jailli en pleine histoire. Le comique manque en effet dans le théâtre
contemporain. Je crois beaucoup en la vertu de l’humour. L’humour a une force plus
puissante que la tragédie, le rire est fort. La réalité est toujours plus noire que ce qu’on
raconte.
Je suis seule en scène et j’éprouve une forme de libération à jouer tous les personnages,
surtout quand l’histoire rencontre et touche le public. Le public est un partenaire pour la
comédienne, on ajuste en fonction de ses réactions.
Et pourquoi ce mélange de français et d’anglais pour un public français ? Ma famille est
bilingue, cela m’est venu naturellement, mais peut-être en effet qu’il serait bon de surtitrer
certains passages si j’en juge par les retours de quelques spectateurs pour qui la
compréhension a été difficile. Mais on comprend aussi par le jeu, le théâtre est un
mélange de langages. »
Kelly Rivière a été très touchée par les lectures. C’est seulement la deuxième fois qu’elle
entend lire son propre texte. Car elle le dit et le joue sur scène. An Irish story qui n’a pas
plu être joué cette année mais la pièce est de nouveau programmée enMayenne l’an
prochain. Merci à tous, ce fut une belle rencontre.